Retour d'un traître

Et dans un même mouvement, la Lune et le Soleil se fondirent en un pour obscurcir d’une noirceur sans fin la volonté des humains. De cet acte tragique je vis le jour, moi, enfant des amours. Mais que dire lorsque ce chaos ténébreux voile mes yeux d’une tristesse sans fin. Et dans tout cela, après avoir rejeté la main si fraîchement tendue, je me vois rejetée par cette union divine, par ces gens qui m’aimaient. Et je ne peux que devenir froideur face à mon propre pêché. Ne me regardes plus de ce regard ténébreux, mon enfant, disait le Soleil. Tourne le dos à la Vie, ma fille, disait la Lune. Cette volonté qui m’était propre se mit à battre pour la planète morte, pour cette mère souriante. Et je perdis mon apparence ensoleillée pour celle qui m’a mis au monde. De ces cheveux blonds apparût le gris de la vieillesse. De ces yeux brillants s’écoulèrent le rouge de mon sang. Et je ne fis qu’un avec l’Ombre de mon cœur déchiré.

Je marche dans cet étrange village, vers cet avenir inconnu. Dois-je mourir ? Oui, je le dois. J’ai blessé ma sœur de cœur. Midona me croit morte, et tous cherchent certainement ce corps sans vie. Mais par quel miracle ai-je survécu à cette entaille dans mon flanc ? Je me suis relevée dans cette prairie devenue cimetière, tâchée de sang. Depuis, je ne ressens plus cette douleur qui prenait mes membres. Les gouttes pourpres s’égouttent sur le sol chaud. Et un miaulement me tire de mes froides pensées. Un chat noir me regarde de ces yeux mauvais, face à cette ruelle sombre et je murmure de ma voix fluette un « Alors toi aussi tu es tout seul ? » et ma main tendue, ressemblant étrangement à un de mes souvenirs se prend dans les méandres coléreux du félin. Comme il me ressemble, cet ami déchu ! Comme il me semble que ce n’est qu’un rêve flou…Et je ne peux que me soumettre à sa décision qui est de frapper la compassion et s’enfuir vers d’autres horizons.

Mes yeux pourpres fixent une ombre dans la ruelle noire. Je m’avance, droite malgré ce trou béant dans mon flanc. Quand est-ce que mon sang arrêtera-t-il de couler ? Et dans cette optique, vais-je mourir ? L’odeur d’alcool empeste dans cette ruelle et je me cache le nez avec ma manche usée. Et que vois-je ? Cette ombre qui me paraissait déjà familière appartient à Xanto, ancien roi des ombres. J’enlève ma main de mes lèvres, le fixant d’un regard sans sentiment, car je n’en ressens presque plus…Il est blessé, et ses vêtements si étrangement propres avant se retrouvaient tâchés de son sang. Mais je continue de l’observer sans dire un seul mot. Enfonçant mon regard pourpre dans ses deux prunelles, je ne fis aucun geste.

-Alors, toi aussi tu es tout seul ?